Depuis des mois, La Redoute présentait sur son catalogue AM PM des copies d’œuvres de l’artiste singulier Marc Bourlier sans son autorisation. Les similitudes sont effectivement très importantes, les « objets » vendus par La Redoute reprenant tous les codes de la personnalité de l’artiste Marc Bourlier. Comble de l’ironie, La Redoute avançait même que chaque pièce était « unique » poussant ainsi très loin la confusion avec une création artistique originale.

La loi protège les artistes : l’œuvre, création originale de l’esprit de son auteur

image qui représente une balance symbole de la justice et le code de la propriété intellectuelle

La loi française protège les droits des auteurs sur leurs créations. Ainsi, selon l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle, sont protégées par les droits d’auteur “toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination”.

Le critère déterminant est le “caractère original” de l’œuvre c’est-à-dire qu’elle doit “porter la marque de la personnalité de l’auteur”. En cas de conflit, les juges recherchent ce caractère original : et ce quel que soit la forme d’expression, le genre ou la catégorie d’œuvre, le mérite (talent, génie de l’auteur) ou sa destination (purement artistique ou d’art appliqué).

Pour que ce droit soit reconnu, il n’est pas besoin d’un dépôt auprès d’un organisme. En effet, ce droit existe dès lors que l’œuvre est formellement concrétisée c’est-à-dire qu’il suffit de prouver la réalité de la création par tout moyen de preuve (photos, compte rendu d’expositions, témoignages, rapports d’expert…). L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

La conséquence de cette protection est qu’on ne peut reproduire l’œuvre sans le consentement de l’artiste ou de ses ayants droits. Dans l’affaire des copies des œuvres de Marc Bourlier, l’artiste était clairement lésé par la copie de ses œuvres, copies qui se retrouvaient référencées sur les moteurs de recherche à un prix de 89€ ce qui dévalorisait manifestement son travail de créateur. Ses productions sont bien “originales”, le reflet de sa personnalité et le fruit d’une démarche créatrice.

crédit photo : Lorenzo Razziano

Artistes Actuels soutient l’artiste singulier Marc Bourlier

 La Redoute retire de son catalogue les copies de ses œuvres

Artistes Actuels a décidé de soutenir Marc Bourlier afin de constituer un dossier juridique. L’artiste a envoyé un courrier recommandé à la direction juridique de l’entreprise fin mars 2021. Un mois après, La Redoute retirait les copies de ses œuvres ce qui représentait une première victoire.

La Redoute est une grande entreprise française qui déclare « avoir toujours soutenu la création française ». Par ailleurs, depuis début 2020 elle travaille avec des illustrateurs de la scéne artistique française pour sa communication au travers de l’opération « La Redoute, révélatrice de talents artistiques ». La première artiste soutenue est Séverine Assous.

L’engagement de l’entreprise envers les artistes est indiscutable, aussi elle ne pouvait évidemment pas rester complice d’une violation des droits d’auteurs à partir du moment où elle en prenait conscience. Nous sommes heureux de leur réaction.

Cependant, cette première victoire ne doit pas faire oublier qu’au-delà de l’entreprise de distribution de La Redoute, il y a un fournisseur qui a lui, en pleine conscience, décidé de copier les œuvres de Marc Bourlier et de les proposer à des distributeurs en France et à l’étranger. Malheureusement, nous n’avons pas encore réussi à trouver l’identité de cette entreprise, nous restons donc très vigilants.

L'empreinte de la personnalité fait l'oeuvre

En 2014, une affaire de copie avait défrayé le monde de l’art. En effet, la galerie Perrotin et l’artiste Veilhan  poursuivaient la galerie Inception Gallery et l’artiste Orlinski pour contrefaçon.

Orlinski reprenait les codes des créations animalières (lion, gorille…) de Veilhan à savoir “la couleur unie non naturaliste, un matériau identique, un aspect facetté et une absence de socle”. Sur cette base Veilhan réclamait 2,5 millions d’euros de dommages et intérêts.

Pourtant le Tribunal de Grande Instance de Paris dans sa décision du 21 mars 2014 (TGI Paris, 3ème chambre 3ème section) rejetait toutes les demandes de Veilhan – Perrotin au motif que les particularités mises en avant par Veilhan pour caractériser sa personnalité artistique reflètent plus “un genre” (le bestiaire sans socle) que des “éléments caractéristiques portant l’empreinte de sa personnalité”

Abscence de personnalité : copier n'est pas copier !

 Autrement dit, pour les juges, comme les créations de Veilhan ne sont pas le reflet de sa personnalité*, leurs reproductions n’étaient pas des copies mais simplement des variations d’un genre artistique qui existe depuis bien avant les deux artistes. 

Déni de qualité ? un jugement sévère ? Les juges déboutent Veilhan qui perd une belle somme d’argent, et en plus, ne reconnaissent pas le caractère d’œuvre à ses travaux ! Veilhan et sa galerie ont attaqué pensant avoir le droit pour eux : l’article de loi dans sa rédaction le laisse penser. Mais, les juges sont les garants de son application aux faits…

La patte de l'artiste : détourner n'est pas copier !

Chacun a en mémoire la reproduction de La Joconde « Colored Mona Lisa » en 1963. Cette sérigraphie de 28 Mona Lisa fait en effet partie des symboles du Pop Art. Le Louvre aurait-il pu poursuivre Andy Warhol ?

La Joconde avait connu un premier détournement avec L.H.O.O.Q de Marcel Duchamp en 1919 où le dadaïste iconoclaste la présentait affublée d’une moustache et d’un bouc. Le nom de l’œuvre apparait en bas du tableau et peut se comprendre comme « Look ! » (Duchamp vivait aux Etats-Unis) ou comme « Elle a chaud au cul » (Duchamp était très potache dans ses provocations).

Puis ce fut Salvador Dali qui en 1954 détourna à nouveau la peinture de Léonard De Vinci avec son «autoportrait en Mona Lisa» où on découvre une Joconde reprenant certains traits physiques caractéristiques du grand surréaliste Espagnol.

Evidemment, le Louvre n’a jamais poursuivi ces artistes en justice. Ils ont produit des œuvres originales portant bel et bien la marque de leur personnalité en tant qu’auteur ! Et de surcroît, ils ont contribué à la reconnaissance universelle du tableau de Léonard De Vinci.

* voir page 27 du jugement : “la technique de production de l’oeuvre avec l’assistance de l’informatique est certes une composante de l’oeuvre de M. Veilhan mais ne reflète pas sa personnalité puisqu’elle sert uniquement à appliquer ses choix esthétiques. Elle n’est donc pas appropriable” 

La rédaction

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