Quel parcours a suivi Françoise Monnin ? Comment est-elle devenue rédactrice en chef du journal Artension ?
Artistes Actuels l’a rencontré dans son bureau pour trouver les réponses ! Notre conclusion est : Travail plus débrouillardise, travail plus ténacité, travail plus passion et une capacité d’observation incroyable, aiguisée par une immense culture générale sur l’art.
Le début des Années 80 aurait-il mis en place un terreau fertile pour la culture et les arts ? Comment deux trajectoires individuelles vont-elles aboutir à l’Artension que nous connaissons ?
- D’un côté, François Monnin, lycéenne dans une petite ville de Lorraine s’éveille à l’art grâce à deux profs d’arts plastiques,
- De l’autre, le peintre Pierre Souchaud crée un journal de contre-pouvoir à l’art officiel : Artension ! Revue toujours animée par un esprit critique loin des modes et des pressions commerciales du marché de l’art.
Mais comment ces deux personnages se sont-ils rencontrés ?
Françoise Monnin : l’art plus fort que tout
Diplômée de l’Université de Paris-Sorbonne en Histoire de l’art et en Arts plastiques, Françoise Monnin rédige une thèse consacrée aux logiques de l’assemblage (toujours inachevée à ce jour). Dès 1987, elle est pigiste pour la presse spécialisée (Cimaise, AZART, MUSEART, Artension…). De 1997 à 2000, elle devient co-rédactrice en chef adjointe de MUSEART, puis de 2000 à 2009 elle est Grand reporter pour Connaissance des arts.
Depuis 2009, elle est la talentueuse rédactrice en chef d’ARTENSION. Elle a publié de nombreux ouvrages spécialisés sur l’art. Elle a été commissaire d’expositions et participe activement à plusieurs salons et festivals d’art.
Françoise Monnin s’exprime avec une précision passionnée sur les artistes et les oeuvres actuels…
Françoise Monnin tombe dans la marmite de l’art
Au Lycée, quand je me suis retrouvée en cours d’arts plastiques, le monde a changé pour moi.
Je suis issue d’un milieu où on m’a dit, fais ce que tu veux, mais débrouilles toi ! J’ai donc fait mes études tout en étant surveillante pour les financer.
En cours à la Fac, j’étais à côté d’une étudiante qui quittait un poste de documentaliste à la galerie Daniel Malingue. Je lui ai dit, présente-moi !
Daniel Malingue a estimé que je pouvais faire un essai. Je voulais vraiment ce boulot. Je préparais le CAPES d’Arts plastiques, mais le réussir signifiait certainement avoir un poste en province. Je ne voulais pas quitter Paris et surtout la proximité des musées ! Prendre ce travail me permettait de vivre à Paris.
Daniel Malingue a un œil exceptionnel. C’était fascinant, il ne se trompait jamais. Un jour, il m’a laissé avec un Gauguin dans mon bureau pendant 3 jours pour que je fasse une fiche technique. C’était magique ! Avec Daniel Malingue, j’ai beaucoup appris.
Comment Françoise Monnin débute chez Artension:
Quand j’étais étudiante en histoire de l’art, je tapais à la machine des textes et avec mes ciseaux je découpais des images dans un esprit maquette de magazines. J’envoyais le tout aux rédacteurs en chef de la presse artistique… mais ça ne marchait jamais !
Un jour j’ai fait un article sur les collages de Jeanne Coppel qui exposait à la galerie Jacques Barbier et la galerie a reproduit ce texte dans son carton d’invitation. Pierre Souchaud, le fondateur d’Artension, a reproduit le carton d’invitation dans son magazine. J’avais 26 ans et je me suis dit que j’avais une entrée, alors j’ai appelé Pierre Souchaud et depuis je n’ai plus jamais lâché Artension ! C’est comme ça que tout a commencé.
Quel est l'ADN du magazine Artension ?
Avec Artension, Pierre Souchaud a créé un objet hallucinant et unique. Il était peintre et il avait l’idée d’un contre-pouvoir de l’art officiel à partir d’un magazine. Ça, c’était vraiment un coup de génie. Ça ne s’était jamais fait en France !
Aujourd’hui, chez Artension, on a la prétention de produire des archives pour l’histoire de l’art c’est-à-dire que nous gardons depuis 40 ans les traces de ce qu’est la création artistique et je crois que c’est extrêmement précieux.
La collection du magazine est consultable à la BNF, bâtiment à Tolbiac – Rez-de-jardin – En magasin – Département : Littérature et art à la Cote : 4-JO-40249
Notice BNF : http://ark.bnf.fr/ark:/12148/cb34371392f
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Comment sont choisis les sujets chez Artension ?
On fait 6 numéros par an ainsi que 2 numéros spéciaux. Il n’y a pas beaucoup d’espace papier, donc il faut faire des choix.
Pour les portraits d’artistes par exemple, je demande à chaque journaliste d’arriver avec 5 propositions et le jour du comité de rédaction, on passe une journée à choisir. On est entre 6 et 10 personnes, cela fait entre 30 à 50 dossiers à regarder. On regarde tout et on discute. Chacun défend becs et ongles ses artistes… et c’est vraiment passionnant !
Qu’est-ce qu’un bon journaliste d’art ?
Un bon journaliste, c’est un curieux maladif mais c’est aussi quelqu’un qui est cultivé jusqu’à l’obsession. Pour être exigeant avec un artiste d’aujourd’hui, il faut avoir une culture générale concernant ce qui a existé avant lui. Car se mettre devant une œuvre et s’émouvoir, ça tout le monde peut le faire !
Pour les passionnés d’art et de création actuelle, le magazine bimestriel est disponible en kiosque ou sur abonnement. Activateurs de l’art actuel, les plumes du journal mettent en perspective l’histoire de l’art actuel.
Pierre Souchaud, fondateur d'un journal d'art libre
De formation scientifique, Pierre Souchaud devient professeur de sciences. En 1966, alors âgé de 28 ans, il réalise sa première exposition. A 37 ans, il décide de se consacrer à la peinture.
Ses œuvres figurent dans les collections du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris et du Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.
Début 1982, il fonde le magazine d’art Artension qu’il dirige jusqu’en 2009. Pierre Souchaud est également critique d’art, préfacier et auteur de nombreux textes d’analyse et de réflexion sur l’art contemporain.
Fin 1981 a été le terrain de l’explosion des radios libres : la fin du monopole d’Etat a donné lieu à un foisonnement créatif et au déploiement de la liberté de parole.
Artension ne serait-il pas le médium libre des arts visuels au même titre que les radios libres de l’époque ? Effectivement, le fondateur d’Artension agissait en dissident de l’art actuel pour sortir des schémas convenus, pour transgresser les postures imposées et inventer un autre regard et un autre discours sur la création. Quarante ans plus tard, l’aventure continue avec détermination grâce aux critiques d’art qui font le journal (lire l’article : Critique d’art, une passion au service de l’art)
La rédaction
Plaisir et émotion des découvertes artistiques