Bernard Briantais porte un regard bienveillant sur les solitaires et les laissés-pour-compte. Par son art à charge et parodique, il lance une véritable accusation au simulacre de bonheur pour tous de la société de consommation.
Rencontre avec un sage humaniste à l’esprit anarchiste.
Représenter les laissés-pour-compte : un juste témoignage
Les personnages de Bernard Briantais ne sont pas des caricatures, car il ne les ridiculise pas. La caricature de l’artiste s’adresse à la férocité de la société marchande et de ce qu’elle impose à de nombreux exclus : solitude et pauvreté.
Le trait de Bernard Briantais est chargé d’esprit d’anarchie et de subversion. Il est tendre avec les laissés-pour-compte, critique pour les puissants et pour la société qui détourne le regard.
Bernard Briantais met en lumière ceux qui restent seuls, il leur redonne de la dignité avec des traits facétieux et gourmands. Outre la courtoisie du détail graphique, il les prénomme tous avec élégance pour mieux rappeler l’humanité des êtres confrontés à la rudesse sociale.
D’où vient l’art du trait facétieux et gourmand de Bernard Briantais ?
Le parcours artistique de l’artiste est d’inspiration humaniste et ses silhouettes viennent de loin… Citadin, l’artiste a d’abord puisé son inspiration dans le théâtre urbain nantais. Il reste fidèle à Nantes où il est né, où il vit et travaille aujourd’hui. Le dessin a été très tôt son moyen d’expression.
Enfant, il est enchanté par le panache des images colorées des livres d’Histoire.
Pendant ses longues vacances d’écolier, pour occuper l’ennui, il dessine des petites BD et se raconte des histoires. Dès l’âge de 12-13 ans, au Jardin des plantes de Nantes, il croque les petites grand-mères typiques des années 60 avec petits chapeaux, cols renard, cannes et parapluies.
L’espace urbain de sa jeunesse lui offre aussi le spectacle des sorties d’église : Bernard aime suivre les sorties d’enterrements avec leurs tentures théâtrales. Il invente alors des histoires de veuves en tailleur noir avec leur solitude lente aux côtés d’un chat. Il apprend ainsi à dessiner vite. Les débuts sont brouillons, et au fil du travail, il affine son trait pour esquisser en une seule ligne ses personnages.
Au lycée, très bon élève, il se destine aux classes de Khâgne Hypokhâgne puis Normale Sup. Mais le puissant climat de mésentente familiale lui fait vite quitter la maison. Il mène alors une vie autonome, stoppe ses études et s’oriente vers un métier manuel : Artisan peintre. L’outillage est plus grossier que celui des « Beaux-Arts » mais il reste dans l’univers de la couleur et de la précision. L’activité saisonnière d’artisan lui permet de se consacrer par période à son art tout en gardant son indépendance.
Dessiner le peuple rieur ou en colère, rire de l’éternelle comédie humaine
Rien n’est triste dans les œuvres de Bernard Briantais : Dans le métro, sur les pavés, dans les cafés, le peuple est rieur ou en colère, avec ses personnalités solitaires ou précaires.
Sa sensibilité est ébranlée par les êtres seuls, pauvres et migrants.
Les époques changent, les solitudes et les désarrois restent. Conscient du fait que lui-même aurait pu basculer lorsqu’il vendait des petits dessins pour survivre, il veut avec rage parler des âmes ignorées. Dans ses œuvres, il leur donne la place d’honneur et de la considération : chaque personnage a une identité grâce au prénom inscrit à son dos.
Amoureux des mots de Charles Baudelaire, Bernard Briantais figure « l’auberge fameuse où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir », il « refait le lit des gens pauvres et nus » que le poète dépeint :
[…] A travers la tempête, et la neige, et le givre,
C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir […]
C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ; […]
extraits de « La mort des pauvres », Charles Baudelaire
La rédaction
Plaisir et émotion des découvertes artistiques