Le nom de Johanna, Heeg, est aussi celui d’un village de la province de la Frise, sur la rive nord du lac de Heeg aux Pays-Bas. La beauté naturelle de ses plaines entre ciel et mer, avec la liberté sauvage à perte de vue ne correspond-t-elle pas à la nature profonde de la peintre Johanna Heeg ?
Entre danse et dessin, l’expression d’une mémoire poétique
Le dessin a été comme un refuge et un réconfort pour les préoccupations tristes de Johanna Heeg enfant. À la suite du décès précoce de sa mère, elle se retrouve dans un orphelinat, séparée de son frère et de sa sœur. À 12 ans, ses dessins deviennent omniprésents et racontent alors des histoires de lien entre les vivants et l’au-delà.
De son orphelinat, imaginé par l’architecte Aldo van Eyck, elle conserve, paradoxalement, un souvenir ébloui : un espace d’avant-garde architecturale propice à la formalisation de l’expression de sa mémoire poétique. C’est le spectacle de Roméo et Juliette, où l’orphelinat accompagne les enfants, qui lui transmet l’envie de danser. Elle commence alors à suivre des cours de danse qui ensuite fera toujours partie de sa vie.
Devenue étudiante, elle passe deux années à l’académie de Rietveld à Amsterdam où elle s’ennuie. Son esprit « sauvage » n’apprécie pas les contraintes académiques. La danse s’impose et elle intègre une compagnie de danse Mel Roos. Si son premier mariage la prive de la danse sur scène, elle la pratique en tant qu’enseignante pendant de nombreuses années.
Endeuillée et isolée, le dessin lui a permis de faire face au vide et à la tristesse profonde. Dans son repli, elle observe et ressent le monde, détecte des présences qu’elle fixe. L’énergie de la création plastique comme celle de la danse lui ont permis de : Tenir malgré tout.
La peinture de Johanna Heeg, théâtre vivant ou théâtre intérieur ?
L’enfance et la nuit éclairent la peinture de Johanna Heeg qui navigue entre théâtre intérieur et théâtre vivant.
Que ce soit en grand format ou en petit format, tel des pages de journal intime ou des vignettes de mémoire à hauteur d’enfant, la peinture de Johanna Heeg organise le choc entre perte et élan vital : on y veille, on s’y souvient, et l’enfance y cherche encore des ballons pour tenir le ciel.
Johanna Heeg aime peindre la nuit car la pénombre est propice à un dialogue avec soi-même.
Pendant plus de vingt ans, elle a collaboré avec des théâtres à Marseille qui exposaient ses œuvres, et pour qui elle illustrait les critiques. Au théâtre, entre les lumières intenses et les ombres ou halos d’obscurité, le pinceau de Johanna Heeg trouve son environnement idéal : un environnement enchanteur où s’expriment l’énergie de personnages et de silhouettes éternelles.
Peindre le halo onirique de sa mémoire poétique
Dans les œuvres de Johanna Heeg, un halo onirique, ni religieux ni réaliste, installe l’ambiguïté : est-ce un souvenir, un rêve, une réminiscence ou rituel intérieur ?
Elle associe la mise en images du deuil avec l’énergie du jeu des enfants : Les enfants ou les personnages restent soudés et protecteurs entre eux au sein du tumulte. Une foule d’anonymes ou un bestiaire de têtes cornues sont tenus à distance par la tendresse, l’étreinte ou la proximité chuchotée.
Par sa mémoire poétique, Johanna Heeg nous enchante !
« Il semble qu’il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu’on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté. »
Milan Kundera, in L’Insoutenable Légèreté de l’être
La rédaction
Plaisir et émotion des découvertes artistiques