You are currently viewing La Céne : Léonard de Vinci et les autres 

La Céne : Léonard de Vinci et les autres 

La Cène (du latin cena, “repas du soir, souper”) est le nom donné au dernier repas de Jésus avec ses douze apôtres avant la Pâques juive et son arrestation qui le mènera à la crucifixion.

Ce repas est un symbole fondateur du christianisme, car Jésus y annonce son sacrifice. Depuis, les chrétiens commémorent avec la communion ce dernier repas.

Dès le Moyen-Âge, l’art religieux reprend le thème de la cène qui jusqu’à aujourd’hui inspirent les artistes visuels : soit en conservant le sens original pour mieux donner à chaque humain une place, soit en inventant de nouveaux sens plus subversifs. 

Panorama partiel de l’interprétation d’un classique de l’histoire de l’art…

Fresque de Giotto, 1305 - Chapelle des Scrovegni - Padoue

La Cène, thème central de l’art religieux de la Renaissance

La Renaissance fait de la Cène un thème central de l’art occidental. Dans ce contexte, Léonard de Vinci réalise en 1498, à la demande du duc de Milan Ludovic Sforza, une fresque représentant le dernier repas.

Fait nouveau et exceptionnel pour l’époque, cette œuvre connait rapidement une vraie renommée en Europe : par de multiples gravures papier car l’imprimerie naissante facilite leur circulation, et par des fresques reprenant le thème dans d’autres édifices religieux.

Ainsi dès 1503, on retrouve des “Cène selon Léonard de Vinci” en Italie, France, Angleterre, à Anvers ou en Autriche.

Les esprits de l’époque sont marqués par sa mise en scène magistrale, avec une perspective qui prolonge la perspective réelle de la salle du réfectoire du couvent de Santa Maria delle Grazie où elle se trouve. Le Christ y occupe une position parfaitement centrale avec comme point de fuite une incision à sa tempe gauche.

L’artiste peint également la diversité des expressions avec par exemple des traits féminins pour l’apôtre situé à la droite du Christ. En outre, Judas est représenté de face alors que la coutume voulait qu’on ne le représente pas ou bien simplement de dos.

Léonard de Vinci - Réfectoire du couvent Santa Maria delle Grazie, Milan

La Cène avec les artistes modernes : entre sens original et subversion

La renommée de la Cène de Léonard de Vinci a traversé les époques. Le français André Derain réalise une Cène cubiste, le belge Gustave Van de Woestyne une Cène expressionniste et l’espagnol Salvador Dali une Cène surréaliste avec un Christ imberbe aux cheveux clairs. 

Le cinéma a reproduit l’image, notamment dans  le film “Viridiana” de Luis Buñuel, palme d’or à Cannes en 1961. En 1986, Andy Warhol réalise une série d’œuvres à partir de la fresque du maître italien. 

La Cène des artistes actuels : mise à l’honneur de la diversité humaine

Les artistes actuels ont parfois réalisé des œuvres inspirées de la Cène avec des personnages différents de la composition historique.

Ainsi, tout en conservant la mise en scène initiale, l’affiche de Marithé et François Girbaud met en avant de jeunes femmes à l’exception d’un seul homme vu de dos et qui prend la place de l’apôtre aux traits féminins de la Cène historique. Elle a choqué et pourtant, cette Cène féminine éclaire par contraste la masculinité exclusive de la Cène initiale : pour celle-ci, personne n’est choqué !

De son côté, l’artiste azerbaïdjanais Raoev Mamedov a formalisé une Cène avec des enfants trisomiques au travers d’une composition de cinq tableaux sur fonds noirs.

La photographe Bettina Rheims met en scène une Cène musicale avec de jeunes musiciens aux origines diverses…

L’artiste suédoise Elisabeth Ohlson Wallin représente quant à elle une Cène baroque et surprenante avec des drag-queens.

Le peintre français Dominique Renson insiste sur la diversité humaine autour de la table du Christ. Jeunes et plus âgés, femmes et hommes, personnes de plusieurs origines ou couleur de peau, il montre que toutes et tous y ont leur place. Enfin !

Ces œuvres font toujours référence à l’amour du Christ pour tous les humains.

La Cène des artistes contemporains : entre invention et subversion

En 1961 Bernard Buffet peint un ensemble de tableaux retraçant des épisodes de la vie du Christ qui seront données au musée du Vatican par le peintre en 1971. Les couleurs sombres et l’absence d’humanité donne à la scène un climat sinistre. L’artiste délaisse la notion de repas au profit du jugement de Judas qui se retrouve seul face aux autres disciples. 

La nappe blanche aux plis formant des barreaux partage l’espace entre bons et méchants. Les visages des apôtres sont de vraies têtes de morts et leur corps sont réduits à une forme pyramidale comme les carafes. La Cène est alors devenue un tribunal inhumain.

En 2001, l’artiste chinois Zen Fanshi pointe implicitement le totalitarisme chinois au travers de personnages avec des masques blancs sans expression et tous identiques. 

L’artiste contemporain Winston Smith, référence de l’art du collage aux Etats-Unis, a aussi abordé le thème avec une iconographie années 50-60. Ces collages ont influencé l’artiste collagiste contemporain Hervé Laplace.

De même, l’artiste français Didier Rousseau de Navarre a réalisé une installation “La forêt blanche de l’anthropocène” avec des troncs et des déchets métalliques extraits du sol pour poser la question du devenir. Il dénonce les méfaits de l’homme sur son environnement : “Je leur ai servi la soupe que l’on trouve maintenant dans le sol”. Les chevilles rouges sont là pour rappeler la peinture rouge des arbres destinés à la coupe. L’artiste considère alors qu’il doit intervenir pour proposer une reconstruction en tenon et mortaise afin de retisser nos liens à la terre et au monde.

Il y a plus de cinq siècles, l’œuvre de Léonard de Vinci marquait une rupture qui s’est poursuivie et amplifiée grâce aux artistes qu’elle a inspirés. 

La rédaction

La rédaction

Plaisir et émotion des découvertes artistiques