Après une phase expérimentale démarrée en 1960, l’IA menace-t-elle la création du XXIème siècle ? Quel avenir pour les artistes ?
Découvrez trois étapes marquantes de l’entrée de l’IA dans le monde artistique. Découvrez la face lumineuse et la face obscure de l’intelligence artificielle pour l’art et plus généralement pour la démocratie.
Au commencement, Harold Cohen et AARON
Dans les années 60, Harold Cohen, peintre britannique invente le “computer art” avec son programme informatique AARON. Dans sa forme initiale, AARON créait des figures en noir et blanc qu’Harold Cohen peignait.
Au fil des années, Harold Cohen a continué à sophistiquer AARON : à partir de 1990, il devient capable d’utiliser en autonomie des pinceaux et des couleurs.
A ce stade, l’intérêt artistique du “computer art” restait extrêmement réduit. Seul demeurait l’intérêt expérimental de la démarche.
Rembrandt se remet à peindre grâce à l’IA
En 2016, une équipe d’historiens d’art et d’informaticiens néerlandais scannent en haute définition 168 263 fragments issus des 346 tableaux de Rembrandt.
Ils soumettent ensuite cette “matière première” à une intelligence artificielle qui va imprimer en 3D un tableau que Rembrandt aurait pu réaliser.
En effet, la 3D permet de reproduire jusqu’à la patte du maitre avec ses mouvements de pinceaux et l’épaisseur de sa peinture. Il s’agit du projet “le prochain Rembrandt”.
Le portrait d'Edmond de Belamy vendu par Christie’s
En 2018, le collectif Obvious, constitué de trois français, réalise grâce à l’IA une série de portraits d’une famille fictive.
En octobre 2018, une impression sur toile d’Edmond de Belamy est présentée aux enchères par Christie’s et le portrait se vend pour 432 500 dollars ! Il s’agit de la première vente aux enchères d’une “œuvre” réalisée par l’IA.
De toute évidence, ce n’est pas sa qualité artistique qui en explique le prix mais bien l’effet de “première mondiale”.
Quand l'IA devient capable de création sensible...
En janvier 2021, le logiciel d’images DALL-E est lancé. Les résultats sont plutôt décevants et il faut attendre avril 2022 et la sortie de DALL-E 2 pour que des images de bonne qualité soient accessibles à tous. C’est le début d’un véritable déferlement d’images générées par l’IA. Le temps des expérimentations est bel et bien terminé.
La vrai et le faux se mélangent désormais
Avec l’IA, la photographie connait un bouleversement existentiel. En effet, « photoshoper » une photo nécessitait une photo préalable, mais avec l’IA le besoin d’une photo disparait complètement !
Le monde de la photographie n’était pas prêt à affronter un tel questionnement. Ainsi en 2023, le photographe allemand Boris Eldagsen remporte le prix du Sony World Photography Awards dans la catégorie “Création” avec une image générée par l’IA. Boris Eldagsen ne divulguera l’origine de cette photo intitulée Pseudomnesia: The Electrician, que lorsqu’il sera primé ce qui déclenchera une polémique.
Mais au-delà de la photographie d’art, le réalisme des images générées par l’IA interroge sur le vrai et le faux d’autant que très vite, certaines images générées par l’IA deviennent virales.
Mais ce déferlement fait qu’on s’interroge désormais sur la véracité de toute image y compris… les vraies !
Ce fut ainsi le cas de la photo prise par le photographe Stéphane Mahé pour l’agence Reuters montrant une marée de CRS protégeant le Conseil constitutionnel pendant la réforme des retraites. Photo improbable… et pourtant parfaitement réelle !
Face à ces situations où vrai et faux se mélangent, nous n’avons plus qu’une seule boussole : les médias professionnels qui eux garantissent l’information. Mais on se heurte à deux limites :
- Tout d’abord, les médias dits “mainstream” sont eux-mêmes remis en question par une partie de la population.
- Ensuite, ces médias affrontent tous une baisse d’audience et une perte de revenus publicitaires mettant à risque leur existence.
Il devient alors nécessaire pour les états démocratiques d’intensifier leur soutien aux médias pour éviter que la simple notion du vrai ne disparaisse !
La face lumineuse de l’art IA
Il n’en demeure pas moins que l’image Pseudomnesia: The Electrician créée par le photographe Boris Eldagsen est une image qui crée l’émotion.
Un art IA de qualité se développe ainsi avec des artistes de talents. Peu à peu, ce nouvel art rencontre ses amateurs.
Lire aussi : Intelligence artificielle et droit d’auteur
Lire aussi : Le droit d’auteur en question
Lire aussi : Entretien avec François Deneulin, galeriste
La rédaction
Plaisir et émotion des découvertes artistiques