C’est en avril 2021, à l’issue d’une visite de l’atelier de François Jauvion, qu’Artistes Actuels a rencontré pour la première fois Nadja Berruyer, toute première planche de l’Imagier singulier (en vente sur la galerie en ligne Artistes Actuels). L’entrevue fut brève mais nos mains gardent le souvenir d’avoir effleuré une Matriochka aux perles précieuses, colorées et étincelantes.
Le temps a passé et en juin 2023, à l’occasion du Grand Baz’Art, festival international d’art marginal de Gisors, Artistes Actuels a recroisé la route de l’artiste brodeuse et lui a remis le “Prix Artistes Actuels”. Elle y exposait des tableaux brodés et des céramiques. Parmi les œuvres des 23 exposants, ses créatures oniriques alliant humanité, animal et végétal ont été notre coup de cœur.
Broder ou mettre en musique son imaginaire telle une harpiste
L’enfance de Nadja a été bercée par les contes du monde entier. Elle est aussi profondément marquée par la culture russe, sa littérature, son architecture, ses couleurs et ses broderies. Du fait de ses lointaines origines géorgiennes ?
Tenir une aiguille lui a toujours été naturel. Sa minutie et sa précision innées ont été renforcées par sa formation d’architecte d’intérieur.
Lorsqu’elle se lance alors dans l’univers féérique de la broderie, Nadja va bien au-delà de l’ornement.
Portés par un souffle léger, ses doigts caressent et capturent les fines matières colorées et les organisent selon ses rêves. Si Nadja était musicienne, elle serait harpiste.
Broderie contemporaine perlée et pailletée : une brodeuse avec des yeux au bout des doigts
Perles en verre de Bohême, fil ultra-fin de soie japonaise sont ses matières premières : des matières de grande qualité et très coûteuses. Les fils viennent du Japon, les perles de chez les brocanteurs-antiquaires des Puces, et du stock de Mme Bervilère, ancienne brodeuse, que Nadja a racheté en 1992.
Nadja maîtrise le point de Lunéville, technique mise au point début XXème et aujourd’hui inventoriée au patrimoine culturel immatériel.
Si le point de chaînette est la base, avec des perles, le travail devient très complexe…
Placées sur le fil utilisé pour faire la chaînette, les perles glissent le long du fil pour être capturées dans chaque boucle de chaînette. Ainsi fixées, elles reposent sous le métier à broder. Le motif se construit grâce aux yeux au bout des doigts de l’artiste !
Une fois terminé, l’étoffe quitte le métier, en la retournant le motif se dévoile …
Nadja Berruyer a utilisé son exceptionnel savoir-faire pour la haute-couture ou la réalisation de costumes de théâtre, d’opéra, de cinéma et des costumes d’académiciens. Elle a participé pendant 15 ans aux chantiers féériques des créations à l’Opéra Garnier, Bastille, de l’Opéra de Lyon, du Grand Théâtre de Genève… Mais vers 2005, les tissus industriels ont éteint les lumières de l’artisanat.
Pour le plaisir, à côté de son travail, elle a d’abord réalisé des créations autour du costume (chapeau, veste, cape de Juliette), pour ensuite s’échapper vers des créations de « l’inutile indispensable » : tableaux et matriochkas.
En broderie, en gravure ou céramique que Nadja a découvert ces dernières années, l’artiste raconte des histoires, joue avec la matière et l’outil pour poursuivre ses rêves.
VOIR AUSSI LE FILM
Pour en savoir plus, Artistes Actuels vous recommande film de la réalisatrice Aurélie Martin “Nadja Berruyer, Brodeuse : Les monstres et babayaga”. Celui-ci est disponible en dvd ou vod “Les mutins de Pangée”
ÉCOUTER AUSSI SUR FRANCE INTER
En mars 2023, France Inter lui a consacré un portrait radiophonique en deux parties :
- Nadja Berruyer, brodeuse 1/2 : La fabrique de l’inutile indispensable le 4 mars 23 : cliquer ici pour écouter
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Nadja Berruyer, brodeuse 2/2 Le monstre qui mange les femmes et autres personnages effrayants le 11 mars 23 : cliquer ici pour écouter
La rédaction
Plaisir et émotion des découvertes artistiques