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René Apallec, un artiste face à la Première Guerre Mondiale

De nombreux artistes ont créé pour dénoncer et exorciser la boucherie de la Première Guerre Mondiale. En raison des stigmates laissés sur les visages et les esprits des soldats survivants, des artistes ont souvent représenté ceux qu’on appelle les “gueules cassées”. Ainsi, les allemands Otto Dix ou George Grosz ont marqué les esprits par des œuvres expressionnistes et brutales. Un artiste français a fait ce même travail : il s’appelait René Apallec.

René Apallec (1898-1968) est né en Normandie.  Pendant la guerre 14-18, il occupe le poste d’infirmier dans un des premiers services de chirurgie maxillofaciale. A-t-il assisté les médecins précurseurs tels que Dufourmentel ou Morestin ? L’histoire ne le dit pas. Mais,  nous savons qu’il a alors commencé une série quasi thérapeutique de collages “les gueules cassées” qui n’était pas destinée à être exposée.

Le fonds Apallec

En 2007, est redécouvert de façon fortuite le “fonds Apallec” dans un grenier d’une ancienne maison à Toulouse. On y découvre près de 300 gueules cassées saisissantes mais également d’autres séries de collages, toutes réalisées dans les années 20 et 30 :  “Les Perruques” qui effacent les visages, “Les Oisifs” qui mettent en scène des personnages à têtes d’oiseaux poursuivis et chassés ou bien “Les vues de l’arrière” qui décrivent les ravages de la guerre sur la vie civile.

Depuis cette découverte, de nombreuses personnes se sont intéressées à son œuvre. Aujourd’hui, les collages de René Apallec ont conquis les historiens, les collectionneurs, les médias et même les collégiens qui s’en inspirent pour portraitiser des personnalités actuelles.

L’universitaire Renaud Bouchet, Maître de conférences en histoire de l’art contemporain à l’université du Mans, fait référence sur le collagiste Normand. Dans son article, « René Apallec, chirurgien plasticien sur le papier », il considère qu’il s’agit de “l’histoire d’une découverte dont rêvent, entre autres, les historiens de l’art”.

Progressivement, on (re)découvre les liens entre le collagiste Normand et les artistes de son époque. La relation la plus documentée est certainement celle avec l’artiste Max Ernst. Alors que la série des oisifs de René Apallec semble remonter aux années 20, le livre d’artiste « une semaine de bonté » de Max Ernst n’est édité qu’en 1934. De là à imaginer que le Normand a pu influencer le maître !

Avec Hervé Laplace, l’histoire fait aussi partie de l’œuvre

L’histoire de René Apallec est belle… mais est-elle véridique ?

En réalité, les collages de René Apallec ainsi que l’histoire de sa vie sont deux pièces d’une même œuvre, celle du collagiste contemporain Hervé Laplace. Il chine les livres et journaux d’époque, il découpe et colle et raconte l’histoire. Apallec est d’ailleurs l’anagramme de son nom, Laplace.

Hervé Laplace au Royal Albert Museum

Les faux artistiques : l'émotion créée fait partie la création !

En réalité, avec René Apallec, Hervé Laplace s’inscrit dans la lignée des “faux artistiques”. On y trouve l’émission de radio de 1938 inspirée du roman de H.G. Wells La guerre des mondes et jouée par Orson Wells. 

Hervé Laplace ne s’en cache pas, l’idée lui est venue lorsqu’il découvre le faux documentaire de Peter Jackson Forgotten Silver sur un cinéaste néo-zélandais qui aurait inventé toutes les techniques du cinéma. Après sa diffusion, Peter Jackson déclara que c’était un faux déclenchant ainsi de vives réactions. 

Certains diront que Peter Jackson aurait dû expliquer qu’il s’agissait d’une œuvre de fiction… mais l’émotion créée faisait évidemment partie de sa création !

Hervé Laplace, quant à lui, va encore plus loin puisqu’il crée l’histoire et les œuvres de René Apallec !

 

Photomontage et collages : les influences d’Hervé Laplace

Le cinéma est sans conteste l’art qui a eu l’influence la plus profonde sur Hervé Laplace. Il cite ainsi Erich Von Stroheim ou les réalisateurs Tod Browning et Terry Gilliam. Mais faute de pouvoir réaliser des films, c’est par le photomontage qu’il débute sa carrière artistique.

Hervé Laplace est alors subjugué par l’impact des photomontages d’Eugène Appert. En 1871, avec sa série « les crimes de la Commune », il réalise des photomontages qui travestissent la réalité à une époque où la photo est considérée comme vraie par nature.

Hervé Laplace se passionne également pour les œuvres de John Heartfield (1891-1968), allemand membre du groupe Dada qui débute le photomontage au début des années 20.

Ensuite, il découvre le constructivisme soviétique à l’occasion de l’exposition à Paris en 2006 « Le photomontage soviétique, de l’esthétique à la propagande » avec les œuvres d’artistes soviétiques comme Alexander Rodchenko ou Vavara Stepanova.

Le journaliste et photographe danois Marinus l’inspire également, avec ses photomontages politiques publiés dans Marianne de 1933 à 1940.

Porté par ces géants, Hervé Laplace passe son temps sur son ordinateur et ses photomontages rencontrent rapidement du succès. Un jour sa femme lui suggère de faire la même chose mais à partir de « vrais papiers ». C’était en 2007 et depuis l’artiste n’a cessé de s’exprimer, scalpel en main, grâce aux collages.

Il découvre alors les grands collagistes : Max Ernst évidemment mais également l’artiste américain contemporain Winston Smith. Ce dernier a illustré entre autres de nombreuses pochettes de disques des Dead kennedys qu’Hervé Laplace écoutait adolescent. 

Pour le remercier de ces années heureuses, Hervé Laplace lui fait cadeau d’une gueule cassée du général américain Pershing. Winston reconnait immédiatement la qualité du travail du français et lui permet d’exposer au musée du Collage de San Francisco !

"Faces of conflict" au Royal Albert Memorial Museum

En 2013, le magazine Hey! Modern Art & pop culture  dirigé par Anne Richard consacre à René Apallec un très bel article.

Mais c’est en 2015 que la consécration arrive. En effet, le Royal Albert Memorial Museum le contacte pour un projet d’exposition sur les visages défigurés de la première guerre mondiale  “Faces of conflict”.

les collages de Hervé Laplace se retrouvent auprès des œuvres d’Otto Dix ou de George Grosz ainsi que d’artistes contemporains majeurs comme Paddy Hartley ou Eleanor Crook. Un collage de René Apallec est même choisi pour l’affiche.

Avec René Apallec, Hervé Laplace revendique une démarche pacifiste. Si “casser la gueule aux généraux” de la grande guerre peut sembler les juger, l’artiste s’en défend : “Je n’ai rien contre ces généraux, c’est l’histoire qui va les juger, pas moi… ”  

Célébré aux Etats-Unis, en Angleterre et dans de nombreuses villes françaises, Hervé Laplace n’a jamais exposé à Paris. Il a fait sa première exposition parisienne  avec Artistes Actuels du 23 mars au 1er avril 2023 à l’espace Cinko ! 

La rédaction

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Plaisir et émotion des découvertes artistiques