Manu Larcenet est un auteur de bandes dessinées étonnamment prolifique.
Difficile de choisir au sein d’une œuvre aussi abondante qui va d’albums plutôt humoristiques à des albums très graves.
C’est dans la seconde catégorie que nous avons choisi deux titres:
- “Le rapport de Brodeck” en 2 volumes, qui est une adaptation en bande dessinée du roman éponyme de Philippe Claudel.
- La série “Blast” en 4 volumes qui occupe une place à part dans la bande dessinée francophone.
Le rapport de Brodeck, une BD à l'atmosphère angoissante
Le rapport de Brodeck est une bande dessinée parue chez la maison d’édition Dargaud qui présente les deux tomes, en format paysage, avec une très belle couverture, chaque tome se rageant dans un coffret papier-carton.
Il reprend l’histoire et l’atmosphère très noire du roman de Philippe Claudel, une atmosphère angoissante presque désespérée.
Le tome 1 intitulé “L’autre” est paru en 2015 et le tome 2 “L’indicible” en 2016, aux éditions Dargaud.
Une oeuvre BD en coffret
“Je m’appelle Brodeck… et je n’y suis pour rien”.
Nous sommes certainement après la seconde guerre mondiale et Brodeck, libéré d’un camp de concentration, revient dans son village natal situé près de la frontière allemande. Un meurtre collectif contre un étranger, l’Anderer, vient de se produire et Brodeck est chargé par les villageois d’en écrire le rapport.
“T’auras tout le beurre que tu veux, Brodeck. Mais tu vas raconter l’histoire… Tu seras le scribe.”.
De nombreux flash-backs
Les villageois ont ici un but : “il faut que ceux qui liront ton rapport comprennent et pardonnent.”
Alors commence le récit. « Je m’appelle Brodeck… et je n’y suis pour rien. Il faut que tout le monde le sache ». En écrivant Brodeck a pris un risque terrible mais il ne pouvait refuser.
Il y a tout au long du livre de nombreux flash-backs, à la fois sur le camp et sur l’Anderer.
Les transitions entre le monde actuel de Brodeck et les flash-backs sont souvent graphiques. Une trace dans la neige qui évoque un fil barbelé et nous voici dans le camp. Une hache pour couper du bois, et nous voici au moment de la première rencontre d’un villageois avec son gros marteau de charpentier et l’Anderer…
Un monde en noir et blanc au format paysage
Le monde que Manu Larcenet décrit est un monde où l’on parle peu et de nombreuses pages sont sans bulle, sans texte.
Les visages sont omniprésents. Ce sont de sales trognes bien plus que des visages. Des trognes laides en raison de la misère, des drames passés et de la haine de l’autre, de l’étranger.
Le dessin est exclusivement en noir et blanc sans jamais aucun gris. Cette technique graphique utilisée par un certain nombre d’auteurs de BD (comme par exemple Chabouté) renforce terriblement la dureté de l’histoire.
Le rapport de Brodeck est édité en format paysage, ce qui permet de larges planches, dont la dernière qui est peut-être une planche d’espoir.
Blast, une oeuvre à part au sein de la BD francophone
Tome 1, Grasse Carcasse, 2009
Tome 2, L’apocalypse selon saint Jacky, 2011
Tome 3, La tête la première, 2012
Tome 4, Pourvu que les Bouddhistes se trompent, 2013
Au sein de la bande dessinée francophone, Blast occupe une place à part. l’œuvre est importante (4 tomes de 200 pages chacun) et graphiquement et narrativement puissante. Pour cette œuvre, c’est encore la maison d’édition Dargaud qui porte le projet, et quel projet ! Manu Larcenet est ici illustrateur, scénariste et coloriste.
Blast, un road trip désespéré
Polza Mancini a 38 ans et souffre d’obésité. On le découvre en garde à vue. Les policiers l’interrogent. “ on est des flics. On n’est pas là pour te juger, mais pour essayer de comprendre ce qui s’est passé… “.
Malgré ce début, Blast n’est pas un polar. Ce serait plutôt un road trip désespéré, une quête d’une autre vie.
Les 4 tomes sont en effet le récit du parcours de Polza Mancini en commençant par la mort de son père, où tout a basculé et où il a eu son premier « blast ». « J’ai entrevu un monde illimité et débarrassé de toute morale… et c’était magnifique ».
Le dessin de Manu Larcenet est sombre, le physique de Polza écrasant tellement il occupe l’espace. On ressent toute sa pesanteur.
Des touches d'art brut inspirées de Dubuffet
Les illustrations en couleurs sont souvent de vrais dessins d’enfants. Manu Larcenet les mélange parfois à ses propres dessins en noir et blanc.
Ils donnent un esprit BD art brut (avec des parallèles avec Dubuffet) à cette bande dessinée déjà très expressionniste.
Parfois on ne sait pas si c’est l’artiste qui dessine ou si ce sont les enfants.
Tout au long de l’intrigue, l’auteur nous amène à compatir avec Polza Mancini, mais a-t-on bien raison de compatir ? Le dernier tome dévoile la vérité ; et elle est… terrifiante.
La rédaction
Plaisir et émotion des découvertes artistiques